Une heure. Ce voyage a duré une heure. Une petite heure, montre en main. Un voyage en terre inconnue, un mélange de sons et de chants venus d’un autre âge, d’un pays lointain. Quand les lumières se sont rallumées, j’ai remis ma veste, empoigné machinalement mon reflex et j’ai remonté les marches du petit théâtre du Quartz scène nationale de Brest. J’ai croisé une amie qui m’a demandé « Alors ? » et j’ai été incapable de répondre. Tellement ce que je venais de vivre m’avait séché. Kintsugi ne ressemble à rien de connu, rien que je puisse identifier. On sait seulement, en quittant ce monde, qu’on a plus vécu une expérience musicale qu’un concert lui même. Kintsugi, c’est un voyage dans l’imaginaire du son, merveilleusement servi par trois guides, trois pointures dont deux au moins ne m’étaient pas inconnues. Serge Teyssot-Gay, alchimiste, explorateur, infatigable voyageur, poète rimbaldien aux semelles de vent, curieux de tout, magicien capable d’extirper des sons inouïs de sa Fender. Pour lui donner la réplique, Gaspar Claus, petit prince du violoncelle, arpèges virevoltants, au jeu vivace et fougueux. Entre les deux, la fille du samouraï. On la dit égérie survivante du post rock néo-punk nippon, de ses tatouages tribaux on pourrait la croire tout droit sortie d’un manga japonais. Accrochée à son biwa, un instrument traditionnel dont elle sort des sons cinglants, Kakushin Nishihara est le guide suprême de ce voyage. Elle marche, entourée de créatures étranges et on la suit, dans ce périple hypnotique. Une heure. Une petite heure, pour oublier le présent, goûter à des parfums d’ailleurs.
Kintsugi. La musique règne.
Quand la voix de Kakushin Nishihara déchire le silence et qu’elle envahit la salle, le public est pétrifié, extatique. C’est un dialogue à quatre, guitare, biwa, violoncelle et une voix, cette voix profonde, gutturale, de ces voix qui vous transpercent, qui vous enlacent et vous emportent. Mon regard de photographe est naturellement d’abord attiré par les repères visuels qui ne me sont pas inconnus, à commencer par Teyssot-Gay. Ex-charismatique frontman de Noir Désir, je l’ai surtout photographié en dehors de ce groupe, au sein d’expériences musicales mémorables. Avec Interzone et Khaled Al Jaramani, comme avec Zone Libre, Joëlle Léandre, le comédien Denis Lavant ou le Meteor de Rodolphe Burger, chaque fois que j’ai eu le privilège de croiser Teyssot-Gay sur une scène, il s’est passé quelque chose d’inhabituel. Comme un frisson, un supplément d’âme. Teyssot-Gay apporte ce petit rien indéfinissable, cette touche subtile, ce phrasé inimitable, ce gimmick savoureux qui nous rappelle qu’il est l’un des meilleurs guitaristes de sa génération. Quelques notes rondes et douces, comme un ilot, un instant de pop, un zeste de romantisme occidental d’un voyageur égaré au pays du soleil levant. Et comme pour lui répondre, le violoncelle de Gaspar Claus apporte une touche néo classique. Kintsugi réalise la fusion, la rencontre des mondes. La musique règne.
Alors ? Je n’ai rien dit. Je savais seulement que je rapportais de mon voyage des images que je garderais longtemps, comme une preuve tangible que je n’avais pas rêvé. On m’a dit plus tard que kintsugi désigne une laque saupoudrée d’or, utilisée au Japon pour recoller les porcelaines brisées ou ébréchées. Kintsugi c’est plus qu’un groupe, plus qu’un power trio, plus qu’un voyage, plus qu’une expérience musicale. C’est un trait d’union, un pont jeté entre les cultures, la musique, toutes les musiques. Kintsugi ne ressemble à rien car c’est un tout qui réussit la synthèse, la symbiose, la rencontre entre orient et occident, entre une ex-égérie punk, un frontman de légende et un petit prince néo classique. De ces concerts dont on ressort heureux, apaisé et grandi.
• Kintsugi en concert au Quartz scène nationale de Brest, le mardi 3 avril 2018. Merci à l’équipe du Quartz pour son accueil et à Penn ar Jazz pour sa confiance.
Difficile de passer à côté de Juliette Armanet. Je l’avais repérée, notée, stickée, surlignée depuis plusieurs mois dans mon petit carnet au chapitre roadmap concerts, en me promettant de la croiser dans les collimateurs de mon reflex Nikon, dès que j’en aurai l’occasion. L’occasion s’est présentée. La demoiselle allait passer par Brest, aux premiers jours de mars, comme une hirondelle qui annonce le printemps. Illico, j’adressais une demande d’accréditation à la Carène, mon estimé bunker palace du port de commerce, dans lequel j’ai vécu d’intenses émotions de concerts, depuis sa création il y a une dizaine d’années. À quelques jours de la date, la mauvaise nouvelle est tombée. Pas d’accréditation pour un photographe indépendant. Je ne vais pas vous dire que ça m’étonne. Aujourd’hui, avec le développement de la photographie numérique et des réseaux sociaux, les productions croulent littéralement sous les demandes d’accréditation photo. Sans compter que les mêmes productions constatent bien souvent un résultat esthétiquement discutable à l’issue de leurs concerts. Alors elles choisissent et on les comprend, de rejeter les demandes de « photographes » en bloc et les premiers à en pâtir sont les professionnels dont c’est le métier et accessoirement le seul moyen de subsistance. Dont acte. Je serai donc privé de Juliette. Contre cette mauvaise fortune, j’ai donc décidé d’ouvrir mon cœur. Ni une ni deux, j’ai composé un message et j’ai jeté une bouteille à la mer, croisant les doigts pour qu’on entende ma supplique. Victoire. J’ai été entendu. Une voix douce s’est penchée à mon oreille et j’ai su à ce moment-là que j’avais bel et bien rendez-vous avec Mademoiselle Armanet, dès le lendemain, à Brest même.
Juliette Armanet. Une hirondelle a fait mon printemps.
Trois premiers titres sans flash. Je ne vais pas vous redire ici ce que je pense de cette règle édictée, parait-il, il y a quelques années pour un concert des Stones. Bref, trois premiers titres sans flash, c’est toujours mieux qu’une tisane, un suppo et au lit. Arrivé devant la Carène, une queue interminable, digne d’une boulangerie polonaise sous Jaruzelski, s’est déjà formée. J’observe les gens, le public qui s’est déplacé très nombreux ce soir, et je constate qu’il y a de tout. Des jeunes, des très jeunes, des moins jeunes. Des petits couples d’amoureux collés serrés, des retraités, des quadras, des gens en somme, un vrai panel représentatif façon Ifop et ça, c’est plutôt rassurant pour cette jeune artiste qui débute et qui semble déjà bénéficier d’une vaste et large audience. Dans le public, il y a aussi ma meilleure moitié qui a acheté sa place depuis un bail et ça, c’est aussi un signe qui ne trompe pas. Trois premiers titres sans flash, un seul photographe indé accrédité, deux bonnes raisons de prier le bon dieu et tous ses saints pour ne pas se louper. Je rentre dans le pit sans trop d’angoisse, direction côté cour. Pour l’occasion, j’ai avec moi mes deux reflex Nikon – D4s et D500 – et mes deux optiques de prédilection, je sens que ça va le faire. D’abord parce que je suis à la Carène, qui est une salle que j’aime, servie par une technique lumière digne des meilleures salles de France. Et parce que, de ce que j’en ai vu, cette demoiselle sait faire le show. Et puis des filles sur scène qui envoient du bois, ça va, hein ? J’ai déjà donné. On se rassure comme on peut.
Première partie. Ricky Hollywood. Un nom qui sonne côte ouest, longues routes californiennes, ballade cheveux au vent dans la Ford Mustang cabriolet 1967, avec la fille de ses rêves carrossée comme Rita Hayworth. On est un peu dans le registre Philippe Katerine, tant dans la voix que dans la touche electro un brin déglinguée. Ça se tient, c’est assez soft et pour tout dire plutôt agréable. D’ailleurs le public ne s’y trompe pas et joue le jeu. Petit moment de gloire pour une demoiselle qui monte sur scène et qui elle aussi fait le show. On retrouvera Ricky Hollywood pendant le concert de Juliette Armanet puisqu’il n’est autre que son batteur. Allez ! C’est maintenant. Sur scène, backstage, j’aperçois un régisseur qui s’approche, envoie le signal lumineux. Noir salle. Les deux gros matous Nikon, en position ON, sont prêts à ronronner. Juliette Armanet déboule sur scène en courant, se fige, prend la pose façon culturiste, avec un sourire qui en dit long sur son envie, que dis-je ? Sur sa gourmande impatience d’y aller et d’en découdre. Celle qui vient de recevoir une Victoire de la musique dans la catégorie album révélation de l’année rejoint son piano. Dès les premières notes, dès la première intonation, impossible de ne pas voir une évidente filiation avec Véronique Sanson. Même groove, même feeling, même fougue, même ardeur mâtinée de douceur. Et dans le viseur, cette fille ne déçoit pas.
Trois premiers titres sans flash, si je tenais le crétin qui a imaginé cette règle à la con, je lui ferai volontiers bouffer mon stock de TriX. Dieu merci, dans la fosse de la Carène, la circulation est relativement fluide. Derrière son piano, la pause est parfaite, dieu que cette fille est jolie. One shot. Les clichés s’engrangent dans les deux reflex avec une régularité métronomique, il faut faire vite, assurer la prise car le temps passe à une vitesse incompressible. Voilà, pour moi c’est déjà fini mais je sais que c’est dans la boîte. Il me reste le concert pour savourer les titres de l’album « Petite amie » en live. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est bon, c’est vraiment très bon. On dégage le piano et là on découvre une autre facette de l’artiste qui chante, danse, virevolte. Juliette Armanet est une artiste à temps plein et quand elle est sur scène, rien ne la retient, même pas de faire monter un Alexandre du public pour lui susurrer le titre éponyme. De la tendresse, un zeste d’humour un brin décalé quand elle reprendra le titre « I feel it coming » dans une relecture frenchie à sa façon, un brin hardcore, avec son petit air de pas y toucher. De l’émotion quand le public lui souhaitera son anniversaire (elle fêtait ses trente quatre ans ce soir à Brest) et qu’elle soufflera les bougies d’une petit gâteau improvisé.
J’ai vu beaucoup d’artistes sur scène, j’ai photographié pas mal de filles en live. Mais ce samedi soir, à Brest, au début du monde, j’ai eu le sentiment d’assister à une naissance, au début d’une belle et grande histoire. Juliette Armanet m’a sidéré, m’a bluffé, m’a scotché. Ce que je pressentais s’est confirmé, cette jeune auteure compositrice interprète n’est pas une case de plus à cocher, une ligne à surligner au stabilo, au rayon variété française, non. Juliette Armanet est entrée de plain pied dans le paysage musical français, une Victoire à la main et quelque chose me dit qu’on va en entendre beaucoup parler. Moi, je suis rentré à la maison sans dire un mot, n’attendant qu’une chose. Retourner au pays des merveilles de Juliette et le plus tôt sera le mieux.
• merci à Yves Simon à qui j’ai emprunté le titre de ce billet.
• merci à la Carène pour son accueil, merci à Corida et au management de l’artiste pour leur confiance. Last, but not least, merci à Juliette Armanet pour les regards, l’énergie, le sourire. On se reverra, c’est écrit.
Matmatah est de retour. Combien de fois ai-je espéré pouvoir écrire ces mots ? Infatigable passionné, indécrottable pessimiste actif, j’ai toujours voulu croire au retour de ce groupe pour qui j’ai une tendresse particulière. Aussi loin que je m’en souvienne, je suis le parcours de ces quatre garçons dans le vent. Dans le vent de mon quartier, celui de Lambé si cher à leurs cœurs, où j’ai acheté la maison où je vis, à mon arrivée à Brest, au début de ce millénaire. Mais mon histoire avec Matmatah ne date pas d’hier, pour paraphraser un autre brestois souvent croisé dans les sous-sols et l’arrière boutique du Cabaret Vauban. Des souvenirs avec Matmatah, j’en ai plein ma besace, mais on ne fait pas un avenir avec du passé et des souvenirs d’anciens combattants. J’attendais Matmatah au tournant et notre amitié ne suffirait pas à leur passer un retour moyen, à leur épargner ma plume bien trempée. C’est dans cet état d’esprit critique et remonté à bloc (Jean Floc’h) que j’ai posé mon casque sur mes oreilles, en ce jour de printemps. Plates coutures s’annonçait bien, mais je demandais à voir.
Plates coutures, nouvel album de Matmatah.
• Matmatah, index unique du rock hexagonal
Il y avait eu la compilation, d’abord, au nom évocateur. Antaology, comme pour rappeler les origines de ce groupe brestois auquel l’étiquette rock celtique avait collé aux basques aussi sûrement qu’un morpion aux couilles d’un mataf. Bref. Il y avait eu un ou deux signes avant-coureurs, annonciateurs que quelque chose pouvait se passer, qu’on était en droit d’espérer un petit miracle. Il y avait eu Tricératops, le seul mot de la langue française qui ne rime à rien et avec rien sauf peut-être avec choco pops. Quel bonheur ! J’avais pris ce titre dans mes esgourdes ramollies et j’avais réalisé que Matmatah n’avait rien perdu de sa faconde, de son énergie et de ces bonnes vibrations qui font la signature, l’identité sonore de cet index unique du rock hexagonal.
Sentiment partagé à l’écoute des Demoiselles de Loctudy, une ode à la Bretagne, à l’air iodé et piquant, cet air du large qui fait partie de l’ADN des bretons. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, on avait partagé ce plat de langoustines avec les plus brestois de choeurs, les inénarrables Goristes, venus poser leurs voix pour un bouquet final. Bref. Matmatah m’avait envoyé un signe. Le vent allait bientôt tourner. Et il tourna, comme une frégate virant de bord à 40 nœuds dans la rade de Brest.
• Matmatah is back in town
Tout est allé très vite. L’annonce d’une reformation, d’un concert aux Vieilles Charrues. D’une tournée, dans toute la France. Ainsi donc, Matmatah était de retour, vraiment ? Seul écueil sur la vague, l’absence de Sammy, guitariste du groupe, compositeur, chanteur (la voix de « L’apologie » c’était lui). Sammy avait décidé de débarquer du rafiot, comme Fanch Paillard quelques années plus tôt. Ah ! Sammy. L’un des membres fondateurs du groupe Matmatah s’en est allé voguer sous d’autres cieux, sa guitare sous le bras. Un retour à la source, période tricards. Sammy était-il irremplaçable ? Sûrement pas. D’ailleurs comme ne cessait de le répéter feu ma grand-mère, le cimetière de Kerfautras est rempli de gens irremplaçables. La suite de l’histoire lui a donné raison.
La suite ? Ce fut un mini-concert à Plougastel, à l’Avel Vor. Une demi-douzaine de titres, comme une remise à zéro des compteurs, des retrouvailles, une fête entre amis, un petit apéro, une mise en bouche. Avec une remise de couverts, dès le lendemain pour un set confidentiel et privé, dans un bar du port de Brest, le P’tit Minou. Un de ces endroits qui transpirent la bière, la sueur et la bonne chaleur de l’animal, si vous voyez ce que je veux dire. Je crois que c’est là que j’ai compris. Matmatah était de retour en ville.
Là-bas, j’ai croisé Ribette, mon cher Marco, le cinquième homme, patron d’Arsenal Prod. tourneur historique du groupe. Sur son visage, un large sourire et on le comprend. Les places du Vauban s’étaient écoulées en quelques heures, la plupart des dates étaient marquées sold out. Le vent avait tourné. Les fans répondaient présents. Matmatah était prêt à envoyer du bois, du lourd. On était prêts pour l’acte suivant et le groupe n’avait qu’une envie. Mettre tout le monde d’accord, à plates coutures.
• Plates coutures. Sans doute l’un des albums de l’année
Plates coutures. Matmatah. Play on. Je dois avouer que j’ai mis du temps à encaisser le choc et en vérité, je vous le dis sans ambages. Plates coutures est sans aucun doute l’un des meilleurs albums pop rock de l’année. Pas seulement par la grâce de ce son qui résonne de manière si intuitive aux oreilles de l’enfant du rock que je suis. Pas seulement parce que je reconnaîtrais la voix de Tristan Nihouarn entre mille. Pas seulement par fidélité à un groupe de mecs qui sont mes potes et que je connais depuis (presque) toujours. Non. Matmatah, avec Plates coutures, nous fait une proposition qui a du sens, d’abord par une qualité d’écriture qui, je l’avoue, rend admiratif et un peu jaloux l’amateur de bons mots que je suis. Il y a dans les textes de cet album un constat à la fois réaliste et cynique de l’état délétère de notre environnement écologique, social et politique.
Voilà, nous y sommes. Le constat est à la fois brutal et on pourrait presque s’en amuser. Clin d’œil plein d’ironie au monde flétri de la politique, les mots de Matmatah prennent une résonance quasi surréaliste si on les met en exergue avec les récentes affaires DSK ou Fillon. Dans Plates coutures, on retrouve les thèmes chers au groupe, entre légèreté des amours perdues ou suppliques pour que la flamme ne s’éteigne pas. Ou des thèmes plus graves, comme la destruction ou la négation de la civilisation dans Petite frappe. Les mots sont lourds de sens, certes, mais toujours amenés avec élégance. Des mots d’orfèvre, ciselés avec délicatesse, assénés comme un upercut. Voilà ce qui fait la marque de fabrique de ce groupe et qui n’échappe pas à une oreille attentive.
• Matmatah remet la ouache
Retour à la normale. Comme une invitation à remettre la ouache, on retient ce gimmick puissant et heureux qui colle à la peau, clin d’œil à Brest, son arsenal, aux fumées de Recouvrance et la foudre sur la blanche Cavale. Matmatah n’oublie pas d’où il vient. En assumant son passé, en inventant son avenir. Le public, lui non plus, n’a rien oublié, puisqu’il répond présent sur cette tournée qu’on peut désormais qualifier de triomphale. D’ailleurs il est des signes qui ne trompent pas, puisque le premier jour à avoir été annoncé complet au festival des Vieilles Charrues aura été le dimanche 16 juillet. Il n’est pas de hasard. C’est le jour où Matmatah est programmé, scène Glenmor. Un juste retour à la maison, neuf ans presque jour pour jour après avoir enflammé Kerampuilh, en juillet 2008.
Quant à la cohésion du groupe, elle aussi est intacte, à la ville comme à la scène. Tristan Nihouarn, en frontman, est toujours épaulé par Éric Digaire, basse, coté cour, qui pose aussi sa voix entre les lignes et Emmanuel Barroux, guitares, côté jardin, qui plante quelques riffs de bon aloi. Il faut dire que le garçon n’est pas un lapin de six semaines, puisqu’on a déjà aperçu sa tignasse flamboyante et son jeu incisif chez Aston Villa, entre autres. Derrière les fûts, c’est un vrai bonheur de retrouver Benoît Fournier (aka Scholl), digne héritier de la serpeta del barrio. Et aux claviers, le petit dernier, aussi juvénile que talentueux, Julien Carton tient les claviers. Il faut voir Matmatah sur scène pour réaliser que les gars de Lambé n’ont rien perdu de leur énergie.
J’en conviens. C’est compliqué d’écrire sur des gens qu’on aime, qu’on connaît depuis longtemps, avec qui on a vécu des jours radieux et quelques nuits d’ivresse. J’ai partagé beaucoup de bons moments avec ces mecs-là, c’est sans doute la raison pour laquelle j’appréhendais vraiment la première écoute de Plates coutures. Mais non. Finalement, le nouvel opus de Matmatah, c’est tout ce que j’aime. Du beau son, bien foutu, bien amené, bien réalisé. Des mélodies qui accrochent (oui, là, j’ai encore le gimmick de Retour à la normale qui tourne en boucle dans ma tête) et, surtout, des mots qui ont du sens. Il fait beau sur Brest. Le petit zef qui souffle est juste assez doux pour me rappeler que c’est le printemps. Plates coutures tourne en boucle sur ma platine et leur musique me rend heureux. Ça tombe bien, la musique, ça sert à ça. Nous allons vers les beaux jours.
• Matmatah, nouvel album Plates coutures, dans les bacs depuis le 3 mars 2017. En tournée dans toute la France et en juillet aux Vieilles Charrues (complet).
C’est dommage. Dommage que je n’ai pas gagné un euro chaque fois que quelqu’un m’a demandé pourquoi le site internet de mon book en ligne s’appelait Cinquième nuit. C’était pourtant assez simple. Le cinquième jour, celui où le créateur avait inventé les poissons, c’était le vendredi. Et le vendredi, c’était le dernier jour de la semaine (merci mon dieu), celui qui annonçait les nuits jusqu’à pas d’heure, dans cet endroit un peu mythique que j’avais découvert à mon arrivée à Brest. Le Vauban.
Ah ! Le Vauban. Je ne compte plus le nombre de concerts que j’y ai vus, le nombre de nuits passées dans cette salle de concerts, cet endroit merveilleux pour l’amateur de musiques et d’images que je suis. J’ai tellement de souvenirs dans cet endroit, que ma mémoire a dû en évacuer des pans entiers, plus ou moins glorieux. Qu’importe. Le Vauban restera à jamais le haut lieu flamboyant de la culture brestoise. Ce lieu dont Mistinguett disait, après une guerre qui avait massacré la ville, qu’il était le symbole de la renaissance de la vie.
Cinquième nuit avec Matmatah.
J’en ai passé des nuits, à sillonner cette ville, du sud au nord, d’est en ouest. Du Vauban à La Carène, du Mac Orlan au Quartz, scène nationale. Comme le passager de la chanson des Stooges, j’ai traîné dans les endroits les plus élégants jusqu’aux bas fonds du port de commerce, dans des bouges qui sentaient la bière et la bonne chaleur de l’animal, pour reprendre les termes d’un illustre brestois. Mon corps a parfois regretté de ne pas être rentré plus tôt, mais ce que j’ai vécu personne ne pourra jamais me le voler. Une bonne photo faite n’est plus à faire, même si l’inverse est vrai. J’ai traîné mes godasses et mes reflex pour capturer des images, histoire de pouvoir témoigner, un jour de toutes mes cinquièmes nuits, tant elles furent nombreuses. C’est comme ça que le projet Cinquième nuit est né, il y a quinze ans.
• Matmatah. Rendez-vous au P’tit Minou.
Vendredi 17 février 2017. Port de commerce de Brest, à deux pas des grues géantes qui signent l’identité de cette ville, il y a un bar. C’est le P’tit Minou, clin d’œil à un lieu prisé des brestois, là-bas, un peu plus au nord, à Locmaria Plouzané. C’est là que j’ai rendez-vous pour une énième cinquième nuit et pas avec n’importe qui. Ce soir, c’est le retour de Matmatah, qui rompt le jeûne après neuf longues années d’abstinence, de silence et de pénitence. Matmatah revient à Brest, une semaine avant d’aller mettre la ouache au Vauban, un concert déclaré sold out trois heures après sa mise en vente.
Le groupe brestois qui revient jouer dans un bar de Brest, voilà qui rappellera quelques souvenirs du siècle dernier, quand les Tricards Twins écumaient les estaminets brestoâs. La veille, déjà, les Mat’ nous ont servi cinq ou six titres à l’espace Avel Vor de Plougastel, mais ce soir, la set list est nettement plus cossue et mine de rien, les garçons n’en mènent pas large. Et ça, c’est plutôt bon signe.
• Un pétard ou un Ricard…
La set list s’équilibre entre quelques titres du nouvel album (Plates coutures, dans les bacs début mars), dont « Marée haute », un titre d’actualité, « Retour à la normale », « Nous y sommes » et quelques chansons désormais classées au patrimoine de l’humanité brestoise et qui ont fait les belles nuits de la cité du Ponant. Comme « Emma », « Crépuscule dandy » et l’inénarrable « Lambé an dro » qui colla l’étiquette rock celtique aux basques de Matmatah aussi sûrement que la vérole sur le monde. Mais un hymne reste un hymne et le public a explosé aux premiers riffs identifiants ce titre, comme une signature musicale.
Ah ! Entendre le public reprendre en chœur « si dans l’bus tu t’es fait pécho deus da Lambé dober an dro » ça fait toujours son double effet kiss cool. Mais pas autant qu’un « Pétard ou un Ricard, si t’as vraiment le cafard… » évidemment. Il faut d’ailleurs remonter très loin pour se souvenir de Matmatah chantant « L’apologie » sur scène, pour les raisons judiciaires que l’on sait. Tristan Nihouarn, la flûte en main, jouant la phrase musicale de ce titre culte, le public reprenant chaque mot de la chanson, on n’aura pas fait le voyage pour rien.
• Plates coutures. Dans les bacs le 3 mars.
Une douzaine de titres et on sait que l’affaire est dans le sac. La tournée de Matmatah annonce un retour gagnant. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder toutes les dates qui affichent des concerts complets, c’est un signe qui ne trompe pas. Mais le comeback des Matmatah n’est pas qu’un coup de nostalgie. Dans le public j’ai vu des têtes blondes qui n’étaient pas encore nées à l’époque de Rebelote et qui connaissent les paroles de « La cerise » sur le bout des doigts. Ça, c’est bon signe. Autant que les titres du nouvel album, « Plates coutures » qui s’annonce dans les bacs le 3 mars. D’ailleurs, de l’aveu même de Tristan, un nouvel album était une condition sine qua non pour un retour sur scène. Cette fois, nous y sommes. Matmatah is back in town. Mon voyage au bout de la cinquième nuit n’est pas prêt de se terminer…
• Matmatah en concert au P’tit Minou Brest, vendredi 17 février 2017, crédit photo Hervé LE GALL Cinquième nuit.
• merci à Matmatah (Tristan, Eric, Benoît, Manu, Julien), à Uptonpark (Julien), à Arsenal Prod (Marco), à Val, à Manu au son, Dan à la régie, à Cédric, Mathilde et au staff du P’tit Minou. Rendez-vous au Vauban.